Le médecin est une personne de confiance à laquelle le patient confie des informations hautement sensibles sur lui-même et sa santé et le secret du patient un moyen central de protéger les intérêts de celui-ci.Un moyen que le médecin a le devoir de respecter et de défendre. Cette obligation est la condition sine qua non d’une relation confiante entre médecin et patient.Or le secret du patient semble se désagréger, et ce sur plusieurs fronts à la fois.

Le médecin face à un dilemme

L’exemple de la circulation routière: La loi sur la circulation routière libère du secret professionnel les médecins ayant des indications selon lesquelles un patient n’est pas apte à conduire en toute sécurité parce qu’il souffre d’une maladie physique ou mentale.

Prenons le cas d’un patient tenu, parce qu’il a plus de70 ans, de prouver régulièrement à l’autorité cantonale,  certificat  médical  à  l’appui,  qu’il  est  apte  à conduire. S’il est épileptique, il a le droit de conduire à condition de ne pas avoir eu de crise pendant trois ans. D’où dilemme pour le médecin. Est-il néanmoins obligé de signaler à l’autorité cantonale que le patient est  épileptique  ?  Et,  si  oui,  d’obtenir  à  cet  effet  le consentement du patient ?

Les caisses-maladie ont, elles aussi, un appétit grandissant de données de patients. Une fois communiqué à l’assureur le diagnostic de base légalement exigé, le médecin reçoit souvent de celui-ci d’autres formulaires contenant sur l’état de santé du patient des questions détaillées, que le médecin n’est pas légalement tenu de fournir. Beaucoup de médecins ne le savent pas et sont induits par ces formulaires à livrer plus d’informations que nécessaire.

Le problème des cyberattaques

L’exemple du dossier électronique du patient (DEP): Le DEP vise à améliorer la communication entre professionnels de la santé et à éviter les coûteux examens multiples. Les hôpitaux ont un délai à 2020 pour sa mise en place. Son utilisation est facultative pour les médecins indépendants et les patients. Le DEP contenant des données hautement privées, qu’aucun patient ne fournirait sans les savoir protégées, il existe cependant des craintes fondées quant à leur protection et à la possibilité de cyberattaques.

Les médecins indépendants travaillent avec la caisse des médecins et HIN SA à la sécurisation de l’échange électronique de données. Ils ont créé à cet effet la plate-forme AD Swiss, ouverte à tous les professionnels de la santé, organisations et fournisseurs de prestations.

Le canton de Genève possède déjà un DEP. «Mon Dossier médical» a été créé en 2013, en collaboration avec la Poste. Il est facultatif et gratuit pour le patient, qui peut consulter son dossier sur son ordinateur et choisir lui-même le médecin ainsi que les documents aux-quels celui-ci est autorisé à accéder. Le contrôle des données n’appartient donc plus au médecin mais au patient. Cela paraît séduisant sur le papier, à ceci près qu’un dossier qui n’est pas pleinement accessible à l’ensemble des professionnels de la santé impliqués ne remplit pas son but, qui est de simplifier la communication.

Également concernés: les médecins pénitentiaires

L’exemple de l’exécution des peines: Selon la nouvelle loi sur l’exécution des peines et des mesures du canton de Fribourg, le secret médical peut être levé sous certaines conditions. Le médecin d’une personne sous assistance de probation peut ainsi en être libéré dès lors  qu’il  est  en  possession  d’informations  pouvant avoir une influence sur l’appréciation de la dangerosité de cette personne. Mais la loi va encore plus loin:dans le cas de traitements ordonnés par la justice, le médecin doit, à la demande de l’autorité, renseigner celle-ci sur le suivi et l’évolution du traitement.

Le patient de verre

Mais disons-le aussi: beaucoup de patients sont d’une grande  négligence  quant  à  leurs  données  de  santé. Diverses entreprises, caisses-maladie ou applis proposent des dossiers électroniques de santé où l’utilisateur peut  entrer  des  données  telles  que  groupe  sanguin,allergies ou vaccinations, sans parler des applis mesurant le sommeil, évaluant l’alimentation ou comptant les pas effectués dans la journée. Autant d’informations qui, affirment les fournisseurs, ne seront pas utilisées à d’autres fins et stockées en toute sécurité, ce qu’il est pratiquement impossible de vérifier.

Si ces offres peuvent améliorer les compétences de santé des utilisateurs, elles peuvent aussi les conduire à se mettre à la merci d’assureurs-maladie ou de fournisseurs de prestations de santé habiles à tirer profit de leur naïveté. De ces informations pourrait par exemple dépendre en partie, un jour ou l’autre, la possibilité de conclure une assurance complémentaire  ou la hauteur de leur prime d’assurance-maladie.

Mes données restent-elles protégées?

Le progrès médicotechnique et la forte spécialisation de  la  médecine  ont  pour  corollaire  un  échange  de données toujours plus fréquent entre médecins, hôpitaux, pharmacies, etc. L’obligation d’informer  qu’ont les médecins a pris au cours des dernières années une ampleur considérable. Les professionnels de la santé sont assujettis en la matière à la loi fédérale sur la protection des données, actuellement en cours de remaniement. Datant de près de 25 ans, qui ont vu un développement technique fulgurant, elle a indiscutablement  besoin  d’une  révision  totale.  Espérons  que la nouvelle loi saura tenir compte des spécificités du domaine de la santé. La relation de confiance entre médecin et patient doit continuer d’être protégée.

Source : Politique+Patient n°2, février 2017