Trois questions à Dre Constance Barazonne-Argiroffo, médecin adjointe agregée, responsable de l'Unité de pneumologie pédiatrique, Département de l'Enfant et de l'Adolescent, Hôpital des Enfants de Genève.

Comment imaginez-vous l’évolution de la pédiatrie en Suisse romande ?

Dre Constance Barazzone-Argiroffo  – La profession a évolué au fil des ans et je pense qu’elle va continuer à le faire. Nous assistons actuellement à une remise en valeur de la médecine de premier recours. La pédiatrie est une discipline importante, car elle s’adresse à un groupe de patients qui représente le cinquième, voire le quart de la population générale. Cependant, ce nombre limité de patients est un frein pour certaines formations approfondies de la pédiatrie. Le défi consiste donc à maintenir et à garantir une médecine hautement spécialisée malgré le moindre nombre de patients. Pour cela, nous devons unir les forces en présence et continuer à développer les synergies entre cantons.

 

Qu’en est-il de l’avenir de la médecine de l’enfant et de l’adolescent ?

De mon point de vue, il y a un manque cruel d’investissements financiers dans cette discipline. On lui consacre beaucoup trop peu de moyens par rapport à la médecine de l’adulte. Prenez le cas du handicap. On manque de structures, d’écoles spécialisées. On nous répète que cela coûte cher. Or, prendre soin du handicap de l’enfant permet de diminuer les coûts à l’âge adulte. Je suis catégorique sur ce point : on n’investit pas assez dans la médecine de l’enfant. C’est un très mauvais calcul.

 

Quelle devrait être idéalement la formation des pédiatres de demain ?

Je pense que la formation actuelle des pédiatres est très bonne en Suisse. Et il me paraît important de continuer à soigner la qualité de cette formation qui est forcément très complexe, puisqu’elle couvre la population de 0 à 17 ans. Maintenant, pour les raisons que je viens d’évoquer, il n’est clairement pas très opportun de former un trop grand nombre de pédiatres spécialisés, même si nous devons fournir les mêmes performances d’excellence que dans la médecine de l’adulte.

 

Trois questions à Pr Michaël Hofer, médecin ajoint à l'Unité romande de rhumatologie pédiatrique du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et professeur associé à la Faculté de biologie et de médecine de l'Université de Lausanne.

Comment imaginez-vous l’évolution de la pédiatrie en Suisse romande ?

Pr Michaël Hofer  – Dans leur pratique, les pédiatres seront de plus en plus souvent confrontés à des problèmes psycho-sociaux. C’est une évolution globale que l’on observe en pédiatrie générale depuis dix ou vingt ans. La seconde tendance marquante est la complexification de la médecine. Elle rend la tâche du pédiatre généraliste plus délicate et demande un recours plus fréquent aux spécialistes afin d’être soutenu dans la démarche diagnostique et la prise en charge thérapeutique. À l’avenir, les pédiatres devront apprendre à profiter encore davantage des réseaux de spécialistes pour prendre en charge les situations complexes.

 

Qu’en est-il de l’avenir de la médecine de l’enfant et de l’adolescent ?

Je pense que nous allons assister, au cours des 10-20 prochaines années, à un bon nombre de changements en lien avec le développement de l’intelligence artificielle. Il s’agira d’adapter notre pratique en conséquence. Je pense que certaines de nos tâches devraient disparaître, et j’espère que cela nous permettra de nous recentrer sur l’humain.

 

Quelle devrait être idéalement la formation des pédiatres de demain ?

En plus de continuer à leur enseigner la base de la pédiatrie, il faudra leur apprendre à connaître les limites de leurs compétences, pour qu’ils sachent reconnaître les situations qui sont de leur ressort et celles qui nécessitent le recours à un spécialiste. Et ce travail de délimitation de la pédiatrie générale devra être fait par rapport à chaque spécialité. De plus, il me paraît important de les sensibiliser à solliciter les réseaux de professionnels de la santé formés dans des domaines différents, pas seulement des médecins ou des physiothérapeutes, mais aussi des éducateurs, par exemple. Le pédiatre est un acteur-clé du réseau de soins qui entoure les enfants et les adolescents.