Le conseil fédéral a identifié les symptômes... 

Bonne nouvelle, le gouvernement reconnaît enfin que les réserves sont anormalement élevées. Alain Berset l’a dit et redit : le Conseil fédéral estime que l’équivalent de 4 mois de réserves (11 milliards) en mains des assureurs, « ça ne va pas », qui plus est pour une assurance sociale obligatoire, avec des primes dont les hausses annuelles sont deux fois plus élevées que celle des coûts. Personne ne croit que les coûts de la santé puissent augmenter de 33 % d’une année à l’autre… 

Le Conseil fédéral ambitionne prudemment de faire baisser les réserves à « 2,5 ou 3 mois », un matelas toujours très confortable... Pourtant, la crise du coronavirus montre que le risque économique est plus à craindre du côté des prestataires ou des pouvoirs publics que des assureurs…. 

...Et son incapacité à les traiter... 

Seulement voilà, le Conseil fédéral semble désemparé. Il feint de découvrir que l’augmentation massive des réserves n’est plus seulement due à des primes fixées de manière pessimiste depuis l’introduction de la LAMal (avec la bénédiction de l’Office fédérale de la santé publique (OFSP), faut-il le rappeler), mais aussi aux gains boursiers des assureurs qui ont appris à faire fructifier les milliards qu’ils nous confisquent. Or, malgré, ou grâce, à la nouvelle Loi sur la surveillance de l’assurance maladie (LSAMal) de 2016, le Conseil fédéral ne dispose toujours pas du pouvoir de contraindre les assureurs à rendre l’argent accumulé. 

Tentons de résumer la situation : lorsque les assureurs gagnent en bourse avec l’argent des primes, ils conservent ces excédents et continuent à les faire fructifier... S’ils perdent en bourse, ils augmentent les primes pour reconstituer les réserves. Ceci n’est pas que de la théorie. Ce fut le cas au moins en 2016 pour les primes 2017 (+ 5,4 %) avec un rattrapage de 600 millions évaporés sur les marchés, attesté par Pascal Strupler alors directeur de l’OFSP(1) Un bel exemple de roue à cliquet qui ne fonctionne que dans un sens. 

Sans y croire, le gouvernement propose un traitement symptomatique

S’il voit la nécessité de faire baisser les réserves, le Conseil fédéral est impuissant à l’imposer par des primes plus basses, pourtant justifiées. La Loi l’interdit en effet en vertu du principe « les primes doivent couvrir les coûts projetés ». Seule possibilité, tenter d’inciter via une modification de l’ordonnance sur la LSAMal en proposant de simplifier les conditions d’une rétrocession volontaire des assureurs… 

Mis en consultation à mi-septembre, ce traitement paraît déjà voué à l’échec, tant le mal est profond et les enjeux financiers colossaux. Alain Berset ne s’en est d’ailleurs pas caché et a déjà évoqué envisager une modification de la loi. Mais pourquoi pas dès maintenant ? On l’a vu plus incisif sur les interventions tarifaires ! 

Comme cela ne résoudra rien, il faut un traitement étiologique !

Quelque part dépassé par sa créature malade, le Conseil fédéral pose le diagnostic, mais perd du temps. En essayant de réduire les réserves, il se contente d’un traitement symptomatique, qui même si passagèrement efficace, doit dans tous les cas être complété par un traitement étiologique qui s’attaque à l’original du mal : la création de réserves excédentaires via des primes trop élevées ! 

Le seul traitement possible est un changement rapide du mode de calcul. C’est ce qu’a proposé la Société médicale de la Suisse romande (SMSR) avec une solution simple, inspirée de l’existant qui fonctionne (2e pilier, impôts, etc.) et fidèle aux fondamentaux de la LAMal. Les primes obligatoires d’assurance maladie doivent couvrir les coûts de la santé, et rien d’autre. 

À la place de primes définitives « pour l’année suivante », basées sur des prévisions erronées depuis 1996, des acomptes doivent être calculés sur l’évolution probable des coûts. Ensuite, en fonction des coûts réels établis a posteriori en toute transparence(2), une rétrocession, ou une facturation complémentaire est effectuée. Ce système ne produira plus de réserves excédentaires de manière endémique. Il pourrait être utilement complété par l’introduction d’un « libre passage » pour les réserves. 

Puisque la base légale actuelle se révèle une machine à fabriquer des réserves en faisant augmenter les primes indépendamment des coûts de la santé, la changer est désormais une évidence qui doit précéder les mesures mises en consultation pour stabiliser les coûts. C’est ensuite seulement qu’on pourra réaborder sereinement la question de leur pertinence. Il en va désormais de la confiance de la population dans notre système social et de la crédibilité du gouvernement et du Parlement à le garantir.

(1) RTS, Infrarouge, 28.9.2016. (www.rts.ch/play/tv/ infrarouge/video/primes-maladies-jusqua-quand-serons-nous-tondus?urn=urn:rts:video:8052680&startTime=348).

(2) Motion 18.3432 & 183433 Faire établir des statistiques incontestées par un organisme indépendant. Un préalable indispensable au pilotage du système de santé adoptée par le CN le 14.03.2019 (www.parlament.ch/fr/ ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20183432).