Comment se porte la formation médicale ?

Pre Johanna Sommer - A mon avis, la qualité des études de médecine est excellente en Suisse. Non seulement au niveau du contenu, qui couvre un champ de connaissances scientifiques très approfondies et régulièrement mises à jour, mais également au niveau des méthodes d’enseignement qui apprennent aux étudiants à raisonner et à apprendre par eux-mêmes. Depuis plusieurs années, on observe un important investissement en faveur aussi d’une approche médicale holistique, incluant notamment des cours de communication, une connaissance du système de santé et une sensibilisation aux techniques de soins alternatives. En ce qui concerne la relation médecin-patient, par exemple, je trouve que les étudiants sont bien formés, même s’il y a encore des efforts à faire.

 

Ce qui nous amène à parler des faiblesses du système...

Peut-être que ces faiblesses se trouvent dans l’incroyable quantité de savoirs enseignés par toutes les spécialités. Il y a un tel foisonnement de nouvelles connaissances dans chaque domaine que les étudiants se noient parfois dans les détails. Il leur est alors difficile, face à un patient lambda, de savoir conduire un raisonnement cohérent et ils risquent de mettre tout ce qu’ils savent au même niveau, c’est-à-dire qu’ils pensent autant aux maladies courantes et bénignes qu’aux maladies plus rares et plus complexes. Il y a là une marge de progression indiscutable. La faculté de médecine à Genève est en train de conduire une nouvelle réforme du curriculum dans laquelle les médecins généralistes sont forte- ment impliqués, et qui vise à sélectionner dans l’immensité du savoir médical actuel ce que les étudiants doivent maîtriser en fin d’études dans l’optique d’une formation post-graduée.

 

Y a-t-il autre chose qui pourrait à votre avis être amélioré ?

Oui. En Suisse, on a de moins en moins de généralistes et de plus en plus de spécialistes. Or, l’efficacité et l’économicité d’un système de santé dépendent de la force de la médecine de base. Il faut impérativement renforcer l’attractivité de la profession. Le généraliste doit être au centre du système, il est le chef d’orchestre désigné. Actuellement, la prise en charge est un peu trop « hospitalo-centrée » ou « spécialiste-centrée ».

 

Faut-il inciter les étudiants à choisir plus tôt une spécialisation ?

Personnellement, je ne pense pas que le fait de pousser les étudiants à choisir plus tôt puisse solutionner le problème. Il me semblerait préférable de créer des incitatifs pour rendre les cursus plus attractifs. Par ailleurs, il existe trop de différences salariales et tarifaires entre les généralistes et les spécialistes. Je ne dis pas que les généralistes ne gagnent pas assez, mais les différences en leur défaveur nuisent à l’image de leur métier et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les étudiants ne sont pas très attirés par la médecine générale, bien que le désir de gagner de l’argent ne soit pas leur principale motivation.

 

Que pourriez-vous dire sur la formation continue ?

L’offre est excellente, abondante et diversifiée, avec des congrès et de bonnes publications rédigées dans les différentes langues nationales pour permettre une bonne diffusion des connaissances dans tout le pays.

 

Comment faire face à la concurrence des grands groupes privés ?

C’est vrai que des groupes privés commencent à ouvrir des centres médicaux mais, à ma connaissance, ils n’ont pas encore vraiment pris de place dans la formation. Il est important de maintenir les exigences du système suisse en la matière et cela pourrait se faire en faisant valoir un droit de regard sur leur manière d’enseigner pour pouvoir les inclure dans le système. Cette réflexion vaut aussi pour les médecins suisses qui vont se former à l’étranger, étant donné la grande difficulté à intégrer ou à passer la première année dans une faculté de médecine de Suisse. Il devrait être possible de proposer à ces étudiants des places de stage dans notre pays, de manière à les « formater » pour qu’ils puissent remplir nos attentes le jour où ils pratiqueront en Suisse.