Comment les jeunes médecins se positionnent-ils par rapport à leur métier ?

Dr Christophe Fehlmann - On assiste à un changement de paradigme. Sans verser dans les clichés, l’époque où l’on ne comptait pas ses heures est révolue. Aujourd’hui, les jeunes médecins attendent que leurs sacrifices soient reconnus et ils veulent aussi s’épanouir dans leur vie privée.

 

Est-ce qu’ils se sentent soutenus par leur hiérarchie ?

Disons que la hiérarchie n’est pas toujours des plus soutenantes. A mon avis, il y a un déficit de compétences managériales chez certains cadres, même s’ils sont très doués professionnellement. Je ne dis pas que ce problème est généralisé, mais c’est clairement un problème.

 

Est-ce que vous voyez une solution ?

Je crois que nous nous trouvons dans une phase de transition. Dans dix ou quinze ans, les médecins qui se seront battus pour obtenir des temps partiels devraient occuper des postes dirigeants et il sera donc sans doute plus facile de faire bouger les choses. Il paraît que les médecins consacrent en moyenne douze minutes par jour à leurs patients... Oui, et je pense que cela fait partie de ce changement de paradigme dont je vous parle. Aujourd’hui, les jeunes médecins éprouvent une certaine désillusion parce qu’ils se retrouvent à devoir taper des lettres à n’en plus finir, au détriment de la clinique au sens propre. C’est incontestablement un facteur de frustration. Le plus souvent, quand j’écris une lettre en tant que médecin, elle sert d’outil pour la facturation. Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas utiliser des systèmes de reconnaissance vocale. Il me semble que la technologie actuelle – Big Data, intelligence artificielle – devrait permettre d’enregistrer automatiquement la majorité des éléments utiles à la codification.

 

Comment les jeunes médecins perçoivent-ils le mouvement choosing wisely (choisir avec soin) ?

C’est difficile à dire parce qu’on a peu de recul en Suisse. Mais la majorité des jeunes médecins ont conscience du problème des surdiagnostics. Cela dit, ce mouvement pourrait contribuer à diminuer la charge de travail des médecins puisqu’il implique une diminution du nombre d’interventions. Ce serait d’ailleurs intéressant d’appliquer ce concept à l’organisation du travail : quelles sont par exemple les tâches administratives effectuées par les médecins qui pourraient être déléguées ? Les HUG et le CHUV ont déjà mis en place respectivement des IP (Itinéraire Patient-managers) et des assistantes médicales...

 

Réorganiser le travail des médecins, c’est une nécessité ?

En milieu hospitalier, je pense qu’il y a clairement un problème de flexibilité. Vous ne pouvez pratiquement pas planifier des activités en début de soirée, parce qu’il y a des urgences qui risquent de vous retenir au travail. Tandis qu’en ambulatoire, vous pouvez gérer plus librement votre agenda pour faire des choses qui vous tiennent à cœur en dehors de votre cabinet. Je vous ai parlé d’un changement de paradigme, mais l’organisation du milieu hospitalier n’a pratiquement pas changé depuis trente ou quarante ans. On continue de faire les visites médicales de la même façon, par exemple. C’est pourquoi je pense effectivement que l’un des grands défis de demain, avec la féminisation de la profession et la nécessité d’instaurer des temps partiels, sera la réorganisation globale du travail des médecins.