Dans ce cadre un parcours de santé « réussi » des patients souffrant de maladies chroniques ou de dépendances liées à l’âge résulte de la délivrance de prestations sanitaires et sociales coordonnées garantissant la continuité des soins et, par la même, la maîtrise des dépenses y relatives.

La mise en oeuvre de ce système demande des coopérations complexes impliquant l’investissement des professionnels de santé directement concernés et, en particulier, le médecin traitant.

Il est donc nécessaire de repenser l’organisation des soins primaires de façon à disposer de réseaux d’action collective (intégration des différents professionnels et différentes institutions) qui permettent la continuité par mutualisation et décloisonnement. Ces réseaux fondés sur un projet médical explicite peuvent fournir les outils de gestion, les systèmes d’information et de communication ainsi que les personnes compétentes pour les faire fonctionner.

Pour être cohérents, ces parcours de santé doivent pouvoir être délivrés au sein d’un territoire de proximité de taille moyenne au sein duquel les différents partenaires disposent des liens contractuels formels ainsi que des outils communs performants de transfert de l’action médicale. Ces éléments définissent un réseau de santé de proximité.

L’ensemble des réseaux de santé offrent des prestations et services similaires dans différents domaines (diabète, soins palliatifs, …) et constitue une force de proposition et d’action pour la mise en oeuvre de la politique de santé cantonale.

Réseau de santé de proximité

Le médecin de premier recours doit jouer un rôle central dans le dispositif et être garant d’une relation de proximité avec le patient et son entourage ainsi que pour le suivi sur une longue période.

Bien que le rôle central du médecin de famille dans la coordination des différents intervenants ainsi que des différents prescripteurs « spécialistes » reste indéniable, la qualité de la prise en charge dépendra toujours davantage des liens et des informations obtenus développés au sein des réseaux.

Par ailleurs, un formidable potentiel d’optimisation réside dans l’usage dynamique et volontaire des outils informatiques partagés. A titre d’exemple, le canton de Vaud mène deux projets pilotes, « Mon traitement sécurisé » dans le Réseau de Santé Nord Broye et « Suivi de santé » du Réseau Santé Haut-Léman.

Le dossier électronique du patient (DEP)

Cette future plateforme informatique cantonale va rendre, on l’espère, les données médicales accessibles avec possibilité de les transférer sur le dossier électronique du médecin ou soignant en charge du patient. Si le médecin ou soignant en charge remplace le médecin traitant ou soignant absent, il pourra transférer ses données sur la plateforme pour les rendre visibles au médecin traitant ou soignant à son retour.

Cette thématique a été largement discutée dans le SNM-News 89 consacré à la Cybersanté.

Réalités

L’enquête des Soins intégrés en Suisse1 effectuée en 2015-2016 a permis de mettre en évidence quelques informations statistiques clés devant être tenues en compte dans le fonctionnement des Réseaux de Santé.

  • Taux de personnes âgées en augmentation : en Suisse, le taux de personnes de 65 ans ou plus, actuellement estimé à 18 %, évoluera à >27 % en 2040. Au sein de ce groupe, c’est le taux de personnestrès âgées (80 ans et au-delà) qui augmentera le plus, passant d’environ 28 % à 36 % d’ici 2040.
  • Augmentation des maladies chroniques avec l’âge : chez les personnes âgées et > 75 ans, le risque de maladie cardio-vasculairereste élevé et dépasse 30 % parmi lesquels 12 % seraient victimes d’un accident vasculaire cérébral. Le diabète et l’arthrose font aussi partie des maladies irréversibles et assez répandues dans ce groupe d’âge.
  • Affections multiples (polymorbidités) : l’Observatoire suisse de la santé indique qu’environ 13 % des personnes parmi les 50-64 ans souffrent de deux maladies chroniques ou plus. Ce chiffre passe à environ 25 % chez les 65-79 ans et à 41 % chez les plus de 80 ans.
  • Recours aux prestations de soins plus fréquent chez les personnes souffrant de maladies chroniques ou d’affections multiples : sur la base des données de l’enquête suisse sur la santé (2012), un groupe « d’utilisateurs intensifs » (4 % de la population) a pu être identifié. Dans ce groupe, 70 % des individus font état d’une maladie chronique ou d’un handicap. Ils vont plus souvent chez le médecin (19x/an) ou le spécialiste (33x/an), consomment plus de médicaments (1,5/jour) et sont hospitalisés plus longtemps (13 jours/an).
  • Coûts élevés liés aux maladies chroniques : Les personnes âgées et les patients atteints de maladies chroniques (multiples) seront plus nombreux à l’avenir. Grâce aux avancées technologiques médicales, les possibilités de traitement se développeront encore davantage et les personnes gravement malades survivront plus longtemps.

De ce fait, le niveau des exigences en matière de coordination des traitements doit continuer à progresser afin d’éviter la multiplicité des traitements et des coûts inutiles.

Soins coordonnés

Le projet « Soins coordonnés » de la Confédération a pour but d’améliorer la coordination des soins pour les groupes de patients qui recourent à des prestations de santé à la fois nombreuses, variées et coûteuses ; il s’agit là des 10 % des assurés qui bénéficient, à eux tous, de 70 à 80 % des prestations.

Le projet vise à répertorier et à renforcer les activités déjà menées pour promouvoir la coordination des soins dans le cadre des stratégies et des mesures existantes de Santé 2020 telles que les soins palliatifs, la démence ou la prévention des maladies non transmissibles.

Par ailleurs, le projet va évaluer et, le cas échéant, améliorer les conditions cadres des soins coordonnés, principalement dans les domaines du financement, de la formation et du dossier électronique du patient.

Initiatives de soins intégrés en Suisse

Selon Obsan 20172, environ 155 initiatives de soins intégrés sont répertoriées en Suisse. Les structures des différentes initiatives ne sont toutefois pas identiques mais tiennent compte, de manière générale des éléments suivants :

  • Formalisation des principes d’intégration, par contrat écrit, accord verbal ou mandat de prestation attribuée par une institution publique entre deux ou plusieurs structures de soins.
  • Intégration d’au moins deux niveaux de services de santé tels que : santé communautaire, soins de santé primaires dispensés par le corps médical ou par des soignants non-médecins, soins ambulatoires spécialisés dispensés par des médecins et/ou non-médecins spécialisés, structure hospitalière, soins à domicile, etc.
  • Participation et implication des différents groupes de professionnels de santé tels que : médecins généralistes/spécialistes 91%, infirmiers(ères) 87%, pharmaciens(ennes) 25%, services sociaux 43%, physiothérapeutes/diététiciens(ennes/podologues/ergothérapeutes 45%, assistantes médicales 27%, services sociaux 43%, bénévoles et proches aidants 31%.

Structure des initiatives

CENTRES DE SANTÉ

Initiatives regroupant, sous une même gouvernance, plusieurs structures et niveaux de prestations de soins: premier recours, soins ambulatoires spécialisés, soins de transition et/ou de longue durée.

RÉSEAUX DE MÉDECINS

Réseaux de médecins généralistes et spécialistes travaillant selon guidelines et des cercles de qualité.

SANTÉ MENTALE ET PSYCHIATRIE

Initiatives ciblant les pathologies psychiatriques ou la santé mentale de manière plus générale.

GROUPES CIBLES SPÉCIFIQUES

Initiatives ciblant une ou des pathologies somatiques spécifiques ou groupes de pathologies somatiques.

MÉDICAMENTS

Initiatives dont l’objectif principal est la gestion des médicaments et/ou du traitement.

TRANSITION ET COORDINATION

Initiatives centrées principalement sur des activités de coordination entre structures/niveaux de santé différents, de plaque tournante (Drehscheibe en allemand), d’information/redirection dans le système de santé en collaboration avec les acteurs déjà présents dans les situations, de case/care management formalisé, ou encore de promotion/valorisation du travail en équipe interprofessionnelle/interinstitutionnelle.

Objectifs des initiatives

  1. Réduire les événements indésirables et les coûts
  2. Améliorer la satisfaction des patients ou des proches
  3. Renforcer l’implication des patients ou des proches
  4. Renforcer les compétences des professionnels
  5. Améliorer l’état fonctionnel / prévenir / réduire les handicaps fonctionnels
  6. Améliorer la satisfaction au travail des professionnels de santé

Prestations offertes

Les prestations proposées aux patients permet de distinguer les quatre catégories les plus fréquentes :

  1. Les soins ambulatoires : près de deux tiers des initiatives proposent des soins ambulatoires spécialisés dispensés par un non médecin ; les soins ambulatoires spécialisés dispensés par un médecin sont offerts dans la moitié des cas, alors que la médecine de premier recours est proposée dans un peu moins de la moitié des initiatives, à égalité avec les soins à domicile.
  2. Les prestations de promotion de la santé et de prévention des maladies : disponibles dans plus de la moitié des initiatives.
  3. Les prestations de coordination : plus de la moitié des initiatives disposent d’un professionnel spécifiquement désigné pour effectuer la coordination ; par ailleurs, un peu moins de la moitié des initiatives proposent du case/care management et/ou une gestion des traitements médicamenteux ; seules un cinquième des initiatives offrent du disease management.
  4. L’enseignement thérapeutique et/ou le soutien à l’autogestion : proposés par la moitié des initiatives.

Implication des patients

La grande majorité des initiatives mettent des documents d’information à disposition de leurs patients et promeuvent également leur participation active dans la prise de décision et de l’élaboration du plan de soins ou de traitement.

Systèmes d’information

Parmi les systèmes d’information utilisés dans le cadre des initiatives3, on distingue trois grandes catégories :

  • le dossier électronique du patient, utilisé dans 3/4 des initiatives ;
  • les systèmes de communication entre prestataires de soins : près de 2/3 des initiatives disposent d’outils permettant des échanges entre prestataires ;
  • les outils d’échange entre les patients et les prestataires : près de la moitié des initiatives mettent à disposition des patients les contacts électroniques des prestataires. Près d’un quart permettent les échanges informatisés (dont cinq systèmes information électronique différents) entre les patients et les prestataires de soins et que seuls 10% n’en utilisent aucun.

Résultats

Les principaux objectifs des initiatives visent, dans une grande majorité de cas un renforcement de la coordination et de l’intégration, la réduction des événements indésirables et des coûts, à l’amélioration de la satisfaction des patients et des proches aidant. Ce sont des objectifs qui sont atteints avec une efficacité variable selon les catégories d’initiatives.

Par exemple le renforcement des compétences des professionnels est ciblé dans près de 90% des initiatives des « Réseaux de médecins » alors qu’il n’est ciblé que par moins d’un quart des initiatives « Transitions et coordination ».

Les perceptions des responsables des initiatives suggèrent que les acteurs ne rencontrent pas de problèmes majeurs en termes de collaboration entre les prestataires impliqués. Toutefois une majorité de répondants estiment que le financement et le système d’indemnisation actuels, ainsi que le manque de temps des professionnels font obstacle à une démarche de soins intégrés centrée sur le patient.

Conclusions

En reprenant cette enquête il me semble très intéressant de relever que notre canton dispose de toutes les compétences professionnelles réunies, les structures existantes, des initiatives d’intégration et une mise en place prochaine d’outils informatiques.

Il est important de soulever qu’actuellement et comme on le découvre dans ce numéro du SNM News, de nombreuses initiatives ambulatoires friandes de collaborations coordonnées et soutenant la médecine de premiers recours sont en cours dans notre canton.

Cette motivation est également à l’origine de la création de divers centres médicaux, policliniques et/ou cabinets de groupes dont certains développés sur la base de modèles vus et existants en dehors de nos frontières cantonales. En effet, il est extrêmement important de se coordonner non seulement à proximité et dans le canton mais également de garder une collaboration avec les initiatives au niveau suisse.

C’est également dans cette optique que l’Association Romande des Centres Médicaux a été récemment mise sur pied afin de coordonner les différentes initiatives et de profiter des expériences et des particularités de chacun dans le but d’améliorer la qualité et la continuité de la prise en charge de nos patients.

Il faut penser positif et travailler à défendre notre excellent système de santé qui fait partie du top cinq mondial (European Health Consumer Index) tout en améliorant son efficience économique.

Seule une approche intégrée s’avèrera payante et doit être défendue par l’ensemble des soignants afin de résister au mieux face aux injonctions politico-économiques pas toujours très inspirées.

Références :

1 | Séverine Schusselé Fillietaz, Dimitri Kohler, Peter Berchtold, Isabelle Peytremann-Bridevaux | ©Obsan 2016
2 | Obsan 2017
3 | Soins intégrés : comment accompagner un changement de culture ? Rev. Med. Suisse 2010

Source :

SMN News n°91, Automne 2017 : http://www.snm.ch/images/documents/snm_news/91_snmnews.pdf