Plus les possibilités de traitement sont nombreuses, plus il est difficile de faire des choix ou de savoir renoncer. C’est évident! Or le mieux est parfois l’ennemi du bien. En 2011, se sont élevées aux États-Unis des voix mettant en garde contre une surmédicalisation. À la suite de quoi les médecins ont lancé l’initiative «choosing wisely». Son but: encourager le dialogue entre médecins, patients et public, de façon à parvenir à des décisions judicieuses. Tel est également, en Suisse, l’objectif de l’initiative «smarter medicine». Pour certains traitements, moins de médecine peut signifier plus de qualité de vie, dit cette initiative.

L’association a publié en 2014 ses listes «Top-5», qui énumèrent chacune cinq traitements généralement inutiles dans leur spécialité. Le but est d’amener médecins et patients à en discuter et à se demander s’il ne vaudrait pas mieux renoncer à ces traitements, les risques qui leur sont associés étant potentiellement supérieurs aux bénéfices. Ceci avec, tout de même, un effet secondaire positif, qui est de réaliser des économies. Les listes, établies par les sociétés de discipline reconnues, ont pour base des données scientifiques éprouvées.

Vive l’intuition

Une médecine smart s’articule autour de ce que l’on appelle des «décisions judicieuses». Mais de quoi ces dernières sont-elles faites? La profusion d’études scientifiques et de théories concernant les mêmes problématiques est telle qu’il est difficile de s’y retrouver. D’où le conseil du psychologue Gerd Gigerenzer, professeur de recherche en éducation au Max-Planck-Institut. «Faites davantage confiance à votre intuition», dit-il. Si les données de la médecine fondée sur des faits sont certes indispensables, il faut aussi, pour prendre de bonnes décisions, écouter son intuition et son expérience. Gerd Gigerenzer a constaté que, poussé à justifier ses actes, le personnel médical avait tendance à décider envers et contre sa propre expérience et son intuition – et sans que cela profite forcément au patient. La crainte d’obéir à son intuition, dit-il, conduit souvent à une médecine défensive, consistant à préférer traiter trop que pas assez.

Même objectif, mais par des voies différentes

D’autres initiatives vont dans le même sens. Le Swiss Medical Board, par exemple, évalue le rapport coûts-efficacité des prestations médicales fournies dans le cadre de l’assurance obligatoire des soins et formuler sur cette base des recommandations thérapeutiques. L’initiative Médecine de qualité et évaluation par des pairs vise, elle, à la meilleure qualité possible des soins hospitaliers. La qualité est mesurée dans le cadre de discussions transcliniques entre pairs étudiant également les potentiels d’amélioration.    

Il faut supprimer les mauvaises incitations financières

Une médecine de la juste mesure a pour condition première la suppression des mauvaises incitations financières, dit Markus Trutmann, secrétaire général de fmch. Il faut, selon lui, des systèmes tarifaires modernes et des forfaits ambulatoires. La médecine smart, sinon, ne parviendra pas à s’imposer. Tant que les médecins seront uniquement payés pour les prestations qu’ils fournissent, mais pas pour attendre ou «simplement» pour écouter, ils préféreront fournir des prestations, explique Annamaria Müller, cheffe de l’Office des hôpitaux du canton de Berne. Selon elle, il y a erreur de répartition entre responsabilité de financement et responsabilité de soins: «On est payé pour faire, et tant que ce sera comme ça, la tentation de surmédicaliser sera grande.»

Ces initiatives volontaires auront-elles un effet ample et durable? L’avenir le dira. Le système de santé suisse a toujours été une partie de Mistigri, a récemment dit en public Hanspeter Trütsch, anciennement correspondant de la RTS au Palais fédéral. Chacun se dit que «le premier qui bouge a d’ores et déjà perdu». L’autoréglementation a toujours tenu dans ce système une place importante, encore faut-il que chacun prenne sa part de responsabilité.

«smarter medicine»

L’initiative «smarter medicine» a été lancée en Suisse en 2014. L’association qui la porte est soutenue par des organisations professionnelles, dont la SSMIG et l’ASSM, ainsi que par des associations de défense des intérêts des patients et des consommateurs, dont la Fondation Organisation suisse des patients OSP, qui reprennent les thèmes de la campagne. Le but commun: sensibiliser le public au fait qu’en médecine et pour certains traitements, moins peut parfois signifier plus de qualité de vie pour les personnes concernées.

Cet article reprend en garde partie des exposés tenus dans le cadre des Trendtage Gesundheit Luzern des 28 février et 1er mars 2018. Voir pour plus d’informations  www.trendtage-gesundheit.ch.

Source : Politique+Patient n°2/18